Accueil  > Découvrir Tarascon  > Visite de la vieille ville

Visite de la vieille ville

Dans cette rubrique nous publions un article écrit par Anne France Horte pour "L’Ariégeois Magazine" de mars-avril 2010. Il relate la visite de la vieille ville sous la houlette de Paul Suanez, adjoint au Maire chargé de la Démocratie et de la Communication et féru d’histoire !

Cet article n’est pas "libre de droit" et tout usage de ce texte sans en avoir auparavant averti son auteur engage votre responsabilité.

Tarascon sur Ariège, des pierres précieuses à découvrir

Ariégeoise par présupposé jusqu’au décret du 16 octobre 1958, Tarascon, ville de 3 553 habitants au dernier recensement, a une altitude de 480 mètres au confluent de l’Ariège et du Vicdessos… Combien ont pris la nationale 20 et sont passés à côté de Tarascon Sur Ariège sans s’y arrêter ?

Pourtant, cet environnement à l’esthétisme indiscutable réserve de véritables surprises, qui attendent comme par malice …

C’est décidé, je quitte l’objectif de ligne droite Andorrane pour obliquer à 45° au rond point de cette étape incontournable au carrefour des vallées ; droit devant, la flèche du clocher ; le Castella en point de mire.

L’accueillante église Ste Quitterie appelle d’emblée la curiosité : d’un côté, l’esplanade aérienne du centre culturel François Mitterrand ouvrant sur une artère large et moderne qui file en ligne droite jusqu’au pont ; de l’autre, en forme de « H », comme un clin d’œil à l’une des activités sportives les plus dynamiques de la ville (le rugby), un quartier commerçant datant du XVIIème siècle en plein cœur de la ruralité. De la boulangerie, à la terrasse du café « Le vieux carré » jusqu’à la place du marché ; tout le long de la rue semi-piétonne de la République ; puis le quai de l’Ariège… Une aRche dépourvue de grands airs, rejoint le pont…

Vous pensez déjà, c’est trop compliqué. Les jeux de mots ainsi que les trésors de Tarascon sur Ariège n’ont qu’à mieux s’afficher ! Qu’à cela ne tienne, face à ces non-affichés et ses lettres joueuses, entrons dans le vif du sujet à l’aide d’un guide et des ses lumières.

Une ville est le reflet des hommes et des femmes qui y vivent. A la terrasse de l’ancien café Chevènement, aujourd’hui, « café des glaces », l’esprit aux aguets, Paul Suanez, personnage public connu de tous, élu à la Mairie de Tarascon, déborde la banalité pour s’engager dans une tirade enthousiaste sur la ville qui l’a adopté.

Dix minutes plus tard, nous voilà partis pour une escapade d’1h30 sur les traces du temps passé dans la vieille ville aux côtés de son guide tout autant officiel que facétieux.

Dès l’accroche, « Là où nous sommes maintenant », lancée avec exaltation au bas de la rue du Barri, notre esprit s’éveille en diachronie. Nul vestige mythique, nulle ruine de renom. Pourtant, témoins de volontés politiques de pacification, des guerres de religion, d’incendies ou d’inondations, fourmillent… Comme dans un jeu de piste, la course à la découverte du « Petit Carcassonne » nous gagne !

« Au Moyen-Age, Tarascon était l’une des quatre principales villes du comté de Foix ! Les rares éléments qui subsistent de son château donne une idée de la puissance de la ville à cette époque ». L’enceinte fortifiée dévoile encore quelques ruines, mais la Porte de Foix, l’une des portes extérieures de la ville fortifiée d’alors, située à l’entrée de la rue du Barri, a quant à elle, totalement disparue. Le château de Tarascon comme la tour du Mount-Négré ont été détruits « rez-terre » aux frais de la ville par ordonnance du Roi Louis XIII et du Cardinal Richelieu du 10 Novembre 1632 (ADA, 135 EDT et DM du 28 janvier 1933/J Mandement). Peu de temps après, le château Lamotte, domaine seigneuriale au sein de l’enceinte fortifiée qui appartenait aux Consuls depuis 1601, subit en partie le même sort. , Déjà, la perspective de cette longue rue étroite aux maisons serrées et imposantes sur trois étages influe sur notre rapport au temps.

Nous suivons notre guide dans une maison de la rue du vieux pont. « Vous allez voir, les trésors de Tarascon ne se découvrent pas au premier clin d’œil ! ». De prime abord austère, cette immense bâtisse encore occupée à ce jour par un doyen, Germain Fayet, cache au fond d’un long couloir, un escalier du XVème siècle au cœur d’un surprenant patio. 

Le ton est donné.

Tout le long de notre ascension en pente douce vers le Castella, point culminant de la ville, les trois rues - du Barri, Naugé et Lacaussade – dévoilent sous les rénovations, des pavés et des colombages, typiques d’une architecture des XVIème et XVIIème siècles.

Matérialisé par la Porte intérieure du Morou datant du XIVème siècle, adossée en contrebas à un petit oppidium (fontaine du Saut), le carrefour des trois rues marque une transition très nette. L’empreinte du Moyen-âge se fait plus présente. Une kyrielle de portes parfaitement préservées en bois massif, aux clous martelés des forges de l’époque et à l’imposte rectangulaire, nous plongent instantanément dans un univers aux faux airs d’Harry Potter. Mystère de l’absence totale d’activité d’une rue où tout appelle à la vie passée…

Notre éclaireur s’engouffre dans une de ces entrées arrondies jalonnant les façades de la rue Naugé, témoins, comme la toponymie des lieux adjacents (rue des chapeliers, foirail, quartier du Mazel-Vieil - petite boucherie) de la fonction sociale et commerciale de la ville. « Sous des airs anodins, les dimensions de ces maisons sont impressionnantes ; celle-ci avoisine les 300m2 habitables et c’est une moyenne. Il ne faut pas hésiter à pousser les portes ! ».

Au seuil de la place Garrigou et de son couvert, nous tournons à droite en direction de la tour du Castella, lieu oh combien symbolique et révélateur de la position stratégique de la ville.

« Au Castella, l’histoire joue avec la géométrie ! Le rond a remplacé le carré et la croix fait du zèle. Elle ne sert à rien, un jour elle tombera ! ». La tour du Castella aurait été bâtie en 1775 sur l’emplacement d’une des tours rectangulaires du château Lamotte. Tout comme les maisons du vieux quartier, cet ouvrage arrondi d’une quinzaine de mètres aurait été construit avec les pierres de la Porte de Foix et des remparts, après leurs destructions ordonnées. « Pour preuve, le blason comtal martelé du XVIème siècle visible au-dessus de la porte du Castella, présent à l’époque, sur la porte de Foix ».

Véritable radioscopie historique, l’emblème de la ville - nommée « tour de Tarascon » sur le cadastre de 1838 - domine à 360°. Cette carte postale panoramique semble figer le temps et l’espace autour du positionnement stratégique de Tarascon depuis la préhistoire.

A nos pieds, Trois quartiers constitutifs de la ville se dessinent clairement (le faubourg Ste-Quitterie, la plaine de l’Ayroule et la plaine de Pilhes), laissant apparaître la marque de l’homme, au fil du temps.

« Au premier plan, la plaine de Pilhes, aujourd’hui centre administratif de la ville, rappelle une époque révolue mais pas aussi lointaine où la nationale 20 traversait encore Tarascon ! Au Moyen Age, ce quartier dénommé « hors la ville », était l’un des greniers de la cité. Des champs s’étendaient à perte de vue ». Plus tard, l’hôpital St Jacques de Tarascon s’installera en lieu et place de la mairie actuelle, sur ce que l’on appelait alors la « grande route de Toulouse en Espagne par Tarascon et Ax les Thermes »…

Sur la gauche, le faubourg Ste Quitterie. « Regarder ! A 510 mètres d’altitude, l’église Ste Quitterie révèle toute sa beauté, mais aussi ses mystères ! Son emplacement actuel n’est pas celui de ses origines en 1220. Alors située au niveau de la maison du célèbre journaliste Bernadac, à l’entrée de la rivière du Vicdessos, elle a été déplacée et reconstruite en 1793 sur un lieu moins exposé aux inondations qui lui avaient valu deux destructions, en 1622 et 1772. Deux jours après la décapitation de Louis XVI et l’abolition symbolique des droits divins, au sud du royaume de France, Tarascon sur Ariège vivait la pose de la dernière pierre de l’une de ses églises »…

« Mieux ! Ce symbole d’adaptation a soufflé sur le destin de la ville ! ». L’installation de hauts fourneaux en 1867 dans le quartier Ste Quitterie marque le début de l’industrialisation de Tarascon. Ces hauts fourneaux aujourd’hui disparus, ont fermé leurs portes en 1932. Ils utilisaient les minerais de fer du Rancié, de Larcat, de Château-Verdun et de Rabat.

En arrière plan, un peu plus à gauche, dans le quartier de l’Ayroule, l’industrialisation de la ville s’étoffe d’une dimension inattendue. « Vous avez sous vos yeux l’héritage sociétal laissé par l’industrialisation de la ville au début du siècle ! ». Pour les besoins des trois usines ariégeoises de Péchiney - Tarascon (Sabart), Auzat et Mercus- tout un quartier a été construit pour y loger les ouvriers et cadres supérieurs dans des pavillons individuels, poussant la logique d’accueil à prévoir l’hébergement de ses dirigeants en visite, dans un manoir, au cachet indéniable en bordure de la nationale 20.

Dès 1923, l’industrialisation a profité de l’apport de main d’œuvre régulière, avec l’arrivée de réfugiés politiques (russes et italiens entre 1926 et 1930 et espagnols républicains en 1939) puis économiques au début des années 50 (espagnols et algériens tout d’abord, puis portugais et marocains dans les années 70).

« Cette mosaïque des peuples dans un contexte de plein emploi représente un véritable pied de nez aux préjugés associés parfois au milieu rural ! Aujourd’hui, le concept d’intégration réussie se vit au quotidien avec une population à 35% d’origine étrangère, au point que cette alchimie soit quasiment institutionnalisée dans le cadre des animations estivales de la ville, avec notamment, mi-juillet, le festival « Vents du Sud », qui met à l’honneur chaque jour une des communautés étrangères issues de l’immigration ».

Cette vue quasi aérienne du Castella, permet de mieux comprendre comment l’autorité architecturale des monuments historiques de France couvre l’ensemble de la ville, située de fait, au cœur d’un écrin en forme de triangle dont chaque angle est un monument classé - une pierre précieuse : la Chapelle de Notre Dame de Sabart, l’Eglise de la Daurade et la Tour St Michel.

La Chapelle de Notre Dame de Sabart, classée MH par arrêté du 5 juin 1846, se détache à peine des lignes montagneuses. « Emblème des guerres de religions successives et lieu de pèlerinage encore très fréquenté, cette église a vu six miracles se produire à la fin du XIXème siècle ; si, si ! ». Cette église romane du XIème siècle aurait été bâtie selon la tradition sur une chapelle du même nom en remerciement à la Vierge, sur les lieux mêmes de la victoire de Charlemagne sur les sarrasins, en 778. « A l’intérieur se trouve une vierge noire datant du XIVème siècle, représentant la victoire et deux vitraux considérés comme les plus anciens de l’Ariège qui proviendraient selon C. Aliquot, conservateur des Antiquités et objets d’Art de l’Ariège de l’oratoire St Pierre détruit par les protestants en 1568 ».

Au cœur de la vieille ville, l’église Notre Dame de la Daurade frappe par l’alchimie de son architecture. Erigée sous le règne d’Henri IV au XVIème siècle sur une église dédiée à St Paul lors de sa construction au XIème siècle et affectée au culte catholique, elle fut cependant protestante de 1582 à 1599. « La signature du synode de Sainte-Foix a fait de St Michel la catholique et Notre Dame, la protestante ! Plus récemment lors de l’occupation nazie, Otto Rahn, envoyé d’Hitler, pensait y trouver le Graal ». A l’extérieur, de petite taille, aplati et juché malicieusement sur le devant de l’édifice, le clocher semble en désaccord avec le porche en charpente couvrant le parvis. La quête aux trésors passés se poursuit véritablement derrière la lourde porte du XIIIème siècle. Face à nous, un édifice entièrement lambrissée de noyer au plan trapézoïdale peu commun, s’ouvre sur une nef datant du XVIIIème siècle. Le chœur, meublé d’un très grand retable du XVIIème siècle en bois doré, encadre cinq toiles aux dimensions imposantes de l’école toulousaine. « Seule celle qui figure au centre a pu être rénovée : ça a coûté quand même 150 000 francs à l’époque en 1996 ! ». Deux bancs de style Louis XIII, présentent des rosaces fleuronnées. « Limiter cette église au plaisir des yeux ne serait pas digne de ce monument classé MH par arrêté du 13 Novembre 1990 ! Son exceptionnelle qualité sonore lui vaut d’être régulièrement choisie pour donner lieu à des concerts ».

A quelques pas, majestueuse du haut de ses 24 mètres, la tour St Michel, classée par arrêté du 21 décembre 1938, nous ramène au temps du Comté de Foix et de sa puissance. La position de ce vestige au sein même de l’enceinte fortifiée indique indéniablement le pouvoir de protection conféré au clergé au XIVème siècle. Si le début du siècle l’a coiffé d’un toit pointu, ses créneaux à ciel ouvert lui confèrent une présence redoutable de près, comme de loin. « Lorsque l’on est en bas, le jeu consiste à chercher le baphomet ! ». Selon la légende, la tête sculptée au niveau de la première ouverture, indiquerait la direction du Graal. Des fouilles réalisées au XIXème siècle ont révélé un pan plus ancien de l’histoire de la tour St Michel avec la découverte de tombes mérovingiennes dans le cimetière qui la jouxtait.

« Véritable lien entre le passé et le présent, la tour St-Michel reste un lieu central associé aux traditionnelles foires des 8 mai et 30 septembre, lors de la transhumance des troupeaux » . 20 L’organisation des foires de Tarascon revêt un caractère particulier. Fleurs de lance de la ville, elles cristallisent le lien entre la ville et son histoire. Selon Claude Buille, à l’origine du renouveau des foires de Tarascon « le droit de foire a été conféré dans un but de développement durable pour favoriser le peuplement de certains villages et percevoir in fine plus d’impôts. Au Moyen Age, on relate qu’en pleine période d’épidémie de peste, l’autorisation de foire fut parfois maintenue ! ». Sous le 1er empire, le Foirail de Tarascon était le lieu de rassemblement des foires les plus importantes de la région. On y venait des départements limitrophes et d’Espagne pour y acheter du fer, des bestiaux, des fromages, des toiles, des draps, de la quincaillerie. « Au début du siècle, on y dépiquait même le blé ! ». Se souvient Germain Fayet. « Les bœufs amenaient le blé fraîchement moissonné des champs qui bordaient à ce temps là le foirail pour le battage. La rue des évadés de France était un immense champ de blé. Je me rappelerai toujours, l’année de mes huit ans en 1929, alors qu’une quinzaine de batteurs dont « Poupet » et « Flambet » séparaient en cercle le grain de l’épi au fléau, les femmes présentes pouffaient de rire. En face d’elles, l’un des batteurs marquait à son insu la cadence plus largement qu’avec ses bras, braguette ouverte ! » 21. Si depuis les années 50 les foires ne tiennent plus tous les mois, cette tradition reste la clef de voûte des festivités de la ville qui a soufflé cette année ses 752 bougies de droit de foire. Les animations souvent gratuites proposées par la commune à l’instar du festival « Tarascon fait son Tour du monde » ou « Tarascon mort de rire », proviennent bel et bien de l’esprit des foires d’antan. Nous laissons le Castella et la richesse de son point de vue pour emprunter sur notre droite, une ruelle pavée, bordée d’un muret à hauteur d’homme, en direction des véritables vestiges du château Lamotte. Du Château il ne reste rien ou presque. Un bout d’enceinte. Un pan de mur d’une pièce sans doute centrale. Pourtant, le charme des rues du Castella et du Château Lamotte, les parfums provenant des jardins que l’on devine à peine au dessus des murets, dégagent une quiétude atemporelle.

« Notre visite s’achève au Mazel Vieil, tout près la Porte d’Espagne, véritable entrée de la vieille ville. Cette porte abrite un point d’eau provenant de la source des Fontanelles, située au dessus du Foirail qui déverse ses flots d’eau potable dans toute la ville ! ». Autrefois pourvue d’un pont-levis et d’une herse, la porte protégeait l’entrée de la ville côté sud. Aujourd’hui seules les meurtrières rappellent sa fonction défensive. Le petit escalier à sa gauche donnait accès à la tour de garde et au chemin de ronde qui parcourait le mur d’enceinte et dont un pan est encore visible.

En contrebas en bord d’Ariège, les jardins ouvriers que la commune laisse exploiter librement, rajoutent à l’harmonie qui se dégage du lieu.

La légende raconte qu’en 1800 lors d’une grande fête, les habitants du Mazel Vieil voulurent faire une farce en se proclamant « commune libre de Malbec » et qu’à l’occasion, un mariage aurait été célébré. De nos jours, alors qu’aucune trace ne subsiste de l’activité du Mazel Viel de l’époque médiévale, seule la toponymie du lieu en est la mémoire. « Cette petite boucherie était un abattoir imaginé hors la ville dans un but de prévention contre les épidémies de peste. Sur le plateau, aucun signe ne témoigne de l’activité d’alors, cependant, cette idée de lutte pour la vie se retrouve aujourd’hui dans la fonction dévolue à l’esplanade, en tant que mémorial, à travers deux monuments remarquables. Le Monument aux Morts se présente sous la forme d’une statue en bronze exceptionnelle représentant un soldat allongé, les bras repliés au dessus de la tête, réalisée par Robert Pagès et Milles en 1965. Le Monument national de la liberté ou « monument des passeurs », initialement installé à Sabart et inauguré le 27 septembre 1986 marque également par la force de sa sculpture. Mais je ne vous en dits pas plus. L’émotion de la découverte doit dépasser les lignes que vous écrirez… ».

Le monde rural recèle de véritables trésors pour qui aime observer à contre temps… Si le signifiant de la ville à travers son étymologie garde ses mystères (sans qu’elle soit vraiment arrêtée, l’origine du mot viendrait de « Tar » : passage et de « Uesco » : faille), son signifié sort brillamment de l’ombre à chaque visite guidée de Monsieur Suanez. Un grand merci à notre guide, incontestablement, étape incontournable au carrefour des vallées !

Anne France Horte pour l’Ariégeois Magazine Avril Mai 2010

Avec l’aimable autorisation de l’auteur